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Asti-Hebdo : Quels sont les thèmes que développe votre laboratoire
Alain Berthoz : Nous ne nous intéressons pas aux différents sens séparément, mais à l'interaction multimodale, multi-sensorielle : comment le cerveau intègre les informations fournies par les différents sens dans une perception cohérente, qui permet de contrôler le mouvement ?
Notre premier thème est le regard. Comment s'organise la relation entre la vision et les mouvements du corps ? Dans quelle mesure l'exploration visuelle active (active vision), par le déplacement de la tête, des yeux, du regard, permet de lever les ambiguïtés du flux nerveux optique ? Une équipe travaille, par exemple, sur la perception visuelle en trois dimensions. Comment pouvons-nous reconstruire les propriétés tridimensionnelles des objets (courbure, volume) ?
Notre cerveau dispose d'un répertoire de mouvements, par exemple les saccades et la poursuite, qui permettent de suivre une cible en mouvement. Ils s'appuient sur des données venant de l'oreille interne, qui forme une petite centrale inertielle. Ils permettent de donner, par exemple, quand la tête se déplace, un mouvement des yeux en sens contraire. La tête elle-même est stabilisée en direction quand le corps se déplace.
Nous travaillons aussi sur le sens haptique (toucher) avec la perception des forces (grâce à des dispositifs à retour d'effort). Lorsque nous manipulons un objet, la vision ne nous donne sur lui que des informations limitées pour ce qui concerne son poids, la distribution de ses masses et même sa géométrie. A fortiori si l'objet est complexe, élastique... Le fait de le manipuler, de sentir les résistances qu'il oppose à notre action nous apporte bien d'autres informations.
Ici, nous coopérons notamment avec le Cnes (Centre national d'études spatiales). Nous sommes en train de réaliser une plate-forme importante, intégrant réalité virtuelle et retour d'effort. Nous travaillons dans ce domaine avec Renault.
Mais la perception se conjugue avec l'action. Comment pouvons-nous naviguer dans notre environnement ? Par exemple, comment imaginons-nous le chemin que nous faisons pour aller de notre domicile à notre lieu de travail ? Le trajet peut se mémoriser comme une suite d'actions, associées à des repères visuels : je tourne à droite au feu, je roule tant de temps, puis je tourne à gauche devant la mairie... Il peut se penser aussi comme une carte, où je me vois comme un petit point qui se déplace. En pratique, le cerveau utilise les deux stratégies. Et nous étudions comment les systèmes biologiques contribuent à l'une comme à l'autre. L'imagerie cérébrale montre que certaines structures cérébrales sont communes aux deux stratégies, mais que d'autres sont différentes.
Autre thème passionnant : la capture d'un objet. Comment faisons-nous pour attraper une balle avec la main ? Il faut prédire la trajectoire. Il faut donc anticiper. Nous ne savons pas bien comment le cerveau y parvient. Mais nous avons pu constater qu'il arrive à commander une force qui est exactement celle nécessaire à contrebalancer l'impact. Le cerveau dispose donc d'un modèle interne des lois de la mécanique newtonienne et de la gravitation.
Cela peut conduire à des considérations très théoriques. Au lieu de raisonner simplement dans un espace euclidien où vitesses et accélérations se dérivent des positions, certains roboticiens pensent qu'il est plus efficace de travailler avec des variables composites, traitant parallèlement espace, vitesses et accélérations. La complexité est en apparence plus élevée, mais certains problèmes sont simplifiés : de non linéaires, ils deviennent linéaires. On se demande si le cerveau n'utilise pas ce genre de techniques, s'il ne travaille pas dans un espace plus complexe que celui de la mécanique classique.
De même, le cerveau doit gérer les délais de transmission de l'information. Entre un capteur qui donne le mouvement de l'oeil et un autre qui donne le mouvement du pied, l'écart peut atteindre plusieurs dizaines de millisecondes. L'on a découvert des sortes de lignes à retard. Mais notre cerveau utilise sans doute aussi des astuces plus subtiles. Je suis convaincu que la collaboration avec les roboticiens est essentielle pour comprendre le fonctionnement du cerveau.
Hebdo : De quel type de moyens disposez-vous pour ce type de recherches ?
A.B. : Les neurosciences ont besoin d'appareillages élaborés, qui doivent en permanence progresser eux-mêmes.
Pour étudier le contrôle du regard, chez l'animal et chez l'homme, nous disposons d'outils d'enregistrement du mouvement oculaire (caméras digitales, notamment), avec des techniques et des méthodes de description du mouvement des yeux qui posent à elles seules des problèmes complexes de traitement du signal, de recueil d'information : ces petites sphères se déplacent à plus de 500 degrés par seconde, avec une précision de quelques minutes d'arc. A vrai dire, même les problèmes strictement technologiques de mesure ne sont pas encore vraiment résolus.
Nous développons aussi des dispositifs expérimentaux à base de robotique mobile, de réalité virtuelle (visuelle ou utilisant le "retour d'effort") d'imagerie cérébrale (IRM, magnéto- encéphalographie). Ici, nous coopérons avec des centres d'imagerie cérébrale comme ceux du CEA à Orsay ou à Caen. Ces techniques nous permettent d'identifier les zones du cerveau qui sont activées quand on fait des mouvements simples ou complexes, liés ou non à la mémoire...
Les méthodes non-invasives sont donc en pleine révolution. Mais elles ne peuvent pas nous dire ce que osnt les processus neuronaux qui sous-tendent le traitement de l'information. Là, il faut recourir à l'enregistrement multi-électrodes de neurone chez le singe ou le rat. Nous arrivons à étudier jusqu'à trente, voire cent neurones à la fois. Hélas, la France est actuellement un des pays qui a le moins de moins de postes singe. Or ils sont indispensables. Nous coopérons aussi avec des médecins cliniciens, qui ont été les premiers à établir des relations entre le monde sensoriel et la structure du cerveau. Mais il n'est pas fréquent que l'on trouve justement le malade qui souffre de lésions dans les zones cérébrales concernées par nos recherches.
Hebdo : On a l'impression d'un développement explosif de vos disciplines
A.B. : Cela dépend des domaines et des techniques utilisées. Par exemple, les travaux sur les mécanismes neuronaux de contrôle de la tête et des yeux exigent des expériences longues, durant plusieurs mois, pour élucider le rôle de quelques neurones ou dizaines de neurones.
Mais des techniques nouvelles, comme les traceurs anatomiques, nous font aller plus vite, parce qu'elles permettent de reconstruire tout un système, là où, hier, l'on ne pouvait voir qu'un relais entre deux neurones. Nos amis Japonais font aussi progresser rapidement les méthodes optiques. Quant à l'imagerie cérébrale, surtout combinée avec la magnéto-encéphalographie, elle provoque vraiment une explosion des connaissances sur le cerveau.
Nous devons tous avoir un esprit multi-disciplinaire. Personnellement, je suis ingénieur des Mines, psychologue et neuro-physiologiste. Notre laboratoire regroupe des ingénieurs, des médecins, des psychologues, de mathématiciens et même un ou deux philosophes. Et nous formons actuellemnet, dans les DEA de sciences cognitives, des ingénieurs (Polytechnique, Centrale). Nous leur apprenons les neuro-sciences. Symétriquement, nous formons aux mathématiques et à l'intelligence artificielle de jeunes psychologues ou neuro-scientifiques. Et, bien que nous disposions pas d'informaticiens à proprement parler, ici, tout le monde est un peu informaticien;
C'est pourquoi l'essentiel se fait dans le cadre de projets de recherche multi-disciplinaires. Nos équipes publient ensemble et, tout récemment, une thèse a été co-dirigée par un philosophe du CNRS et un membre de notre laboratoire, mathématicien, biologiste et médecin.
Grands chapitres :
- Les défis de la neuropharmacologie.
- Quelles cellules pour réparer le cerveau ?
- L'imagerie à l'heure des réseaux.
- Aux sources des maladies des sens.
- Comprendre la souffrance psychique.
- Cerveau in silico.
Dans le même domaine, mais pour un public plus large, signalons la parution aux PUF de "Super cerveaux" par Robert Clarke (un des vétérans chevronnés du journalisme scientifique en France).
Au fond, de manière inattendue mais sans doute logique, ce sont finalement les grands consommateurs d'informatique, qu'il s'agisse du calcul ou des grandes applications de gestion des ministères, qui s'apprêtent à tirer profit de cet outil perçu le plus souvent comme un outil d'émancipation à connotation... gauchiste.
Ce projet commun aux ministères de l'Education nationale et de la Culture et de la Communication, confié pour sa réalisation à la Bibliothèque nationale de France, voit le jour grâce au rapprochement de trois grands catalogues, à présent interrogeables simultanément :
1 - le catalogue BN-Opale Plus qui contient près de 7 millions de notices décrivant 8 millions de livres et de périodiques, conservés à la Bibliothèque nationale de France ;
2 - le catalogue du système universitaire de documentation qui contient plus de 4 millions de notices décrivant des livres, des périodiques, des thèses et autres types de documents, appartenant au réseau des 110 bibliothèques universitaires et interuniversitaires et de grands établissements de l'enseignement supérieur ;
3 - le catalogue des fonds anciens regroupant des livres imprimés avant 1811 et des fonds locaux de 55 bibliothèques municipales ou spécialisées comprenant plus de 2 millions de notices.
Les documents, ainsi localisés, peuvent être consultés dans les bibliothèques qui les détiennent, selon des règles d'accréditation et de communication propres à chaque établissement. Il suffit d'interroger le Répertoire national des bibliothèques et centres de documentation, ouvert sur le site du Catalogue collectif de France, depuis octobre 1998.
Pour la prochaine étape de sa réalisation, le Catalogue collectif de France proposera un service de fourniture à distance de documents : prêt entre bibliothèques, reproduction et réservation.
(Selon le Communiqué de Presse du 2 février 2001 du ministère de l'Education, signalé notamment par la Diffusion Paris 7.)
Rappelons que l'Unesco a mis en ligne un portail réunissant les bibliothèques les plus importantes de la planète.
- "L'investissement en valait-il la peine?", avec des données chiffrées sur le taux d'équipement réel des établissements d'enseignement.
- "Dessine moi une souris", analyse comparative des représentations que les élèves se font de l'ordinateur, illustrée de nombreux dessins.
- "Les désapports de la numérisation", étude critique qui concerne toute la profession informatique.
On appréciera le ton à la fois optimiste et critique de cette grosse livraison.
"Un peu partout en Europe, la fin des années 90 aura été marquée par le déploiement rapide des Autoroutes de l'Information (AI) et le développement de téléservices dans les secteurs marchand et non-marchand. On retiendra plus particulièrement ici la volonté affichée des Etats d’utiliser cette opportunité technologique pour moderniser leur fonctionnement à travers d’une part la mise en réseau de leurs administrations et services publics, et d’autre part la mise à disposition d’une gamme étendue de téléservices à destination des citoyens/administrés...
"Pour autant, si la " mise en réseau de l’Etat " prédispose à un mode de gouvernement et d’administration des individus plus interactif, dans des domaines tels que les collectivités territoriales, la santé, l'éducation, la sécurité ou encore la justice, elle impose aussi un certain nombre de nouvelles contraintes dont les effets peuvent rapidement s’avérer pervers : exclusion de fait des hors réseaux, accroissement des inégalités d'accès à la connaissance, nouvelles formes de contrôle social, notamment dans la gestion intégrée de la santé.
"On doit s’interroger aussi sur la nature des moyens auxquels l’Etat a recours pour mettre en oeuvre les téléservices : nouvelles formes de partenariat/délégation entre secteur public et privé, interconnexion de fichiers de personnes (NIR, Stic), autant d’évolutions en apparence techniques qui induisent sous couvert d’efficacité sociale une marchandisation croissante des rapports, exposent les individus et leurs libertés privées à de nouveaux acteurs marchands, et marginalisent in fine ce qui relèverait de la décision politique et du débat public.
"Au-delà des nombreux discours prospectifs qui accompagnent le lancement des AI,
de quels outils d’évaluation dispose-t-on ? Comment entend-on prendre en
compte les résistances et revendications des usagers ? Dans le but d’engager
un débat contradictoire sur l'entrée des Etats dans la société de
l'information, le Creis vous propose de confronter projets, expérimentations,
réalisations, programmes politiques, analyses… afin de faire un premier bilan
de la mise en réseau des administrations et services publics dans les champs suivant :
- politique et citoyenneté ;
- organisation et accès au travail ;
- gestion des administrés, interconnexion des fichiers ;
- production et reproduction des savoirs ;
- pratiques de soins ;
- équilibre des pouvoirs (local, national, international).